pour me distraire
vais-je prendre en charge encore cette journée ?
pour me distraire à mon ordinaire je bâtis.
quelques chicots – il ne reste plus que cela de dur –
quelques oiseaux au-dessus de la merde
quelques crachats
et c’est une ville harassée de nuages
que mégote goguenard
le museau d’un volcan inattentif
- « Journée » (in Moi, laminaire…, 1982)
Moi , laminaire …
Les échos des batailles politiques, du travail d’édification
sans fin se font entendre dans le dernier recueil de Césaire,
publié en 1982, mais sur un mode dans lequel le lyrisme
prophétique et l’allure héroïque laissent la place, selon
une tendance déjà sensible dans Ferrements, à l’élégie,
exprimant « les apories de l’histoire, ses ratages et ses hiatus »(20),
où le constat d’impuissance, et la tentation de l’abandon
alternent avec l’appel au sursaut et l’espoir(21).
♦ Interviewé à l’occasion de la sortie de Moi, laminaire…,
Césaire ne rappelle-t-il pas que pour lui, poésie et politique,
tout ensemble, le portent vers le surréel et la réalisation
de l’utopie ?(22).
N’y eût-il dans le désert
qu’une seule goutte d’eau qui rêve tout bas,
dans le désert n’y eût-il
qu’une graine volante qui rêve tout haut,
c’est assez,
rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbres
désert, désert j’endure ton défi
blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.
- « Blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen » (in Ferrements, paru dans les Lettres nouvelles, 1959)
(20). Mamadou Bâ, « Moi, laminaire… supplément au mode de lecture », in Césaire à l’œuvre, 2009.
(21). Ainsi peut-on mettre en diptyque « Condition-mangrove »et « Nouvelle bonté ».
(22). Interview conservée aux Archives départementales, 11 AV 36/1 (fonds Delépine).